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Arts Visuels, Droits d’auteurs, et IA. Quel dilemne !

mercredi 2 avril 2025

Faut-il protéger les styles visuels par le droit d’auteur ? Une réflexion à l’ère de l’IA et des créations hybrides

Introduction

À l’heure où les intelligences artificielles comme ChatGPT, DALL·E ou Midjourney permettent de créer en quelques secondes des images inspirées de styles artistiques reconnaissables, tel que celui du studio Ghibli, une question épineuse refait surface :

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Alors que le droit d’auteur protège légitimement les personnages, les univers et les récits spécifiques, il ne protège pas en principe, le style visuel. Une position qui semble à la fois garantir la liberté de création et provoquer, chez certains artistes, un sentiment de dépossession.

Cette ambivalence nous pousse à réfléchir. Que se passerait-il si l’on venait à protéger les styles graphiques eux-mêmes ? Serait-ce une victoire pour les artistes ? Ou une entrave dangereuse à la créativité collective ?

1. Ce que protège le droit d’auteur, et pourquoi

Le droit d’auteur, dans son essence, vise à protéger l’originalité d’une œuvre. Cela inclut les personnages, les décors, les dialogues, les intrigues, l’univers, sa cohérence interne, sa mythologie… En somme, tout ce qui constitue une forme d’expression originale d’une idée.

Cette protection est cruciale : elle permet à un créateur de conserver un contrôle sur l’intégrité de son œuvre. Elle empêche des tiers de reprendre, déformer, ou monnayer un univers sans son consentement. L’objectif n’est pas de bloquer la créativité des autres, mais de préserver une cohérence artistique et d’assurer une juste rémunération du travail créatif.

Ainsi, rien n’empêche un autre auteur de créer un univers similaire (ex : un monde avec des esprits de la nature), à condition qu’il ne copie pas les personnages, les décors ou l’ambiance spécifique de celui d’un autre auteur.

Mais ce qui n’est pas protégé, c’est le style graphique. Ce flou, à la frontière entre hommage, inspiration et copie, est aujourd’hui le cœur du débat.

2. Le style visuel : entre signature artistique et langage commun

Le style graphique est souvent perçu comme la "signature" visuelle d’un artiste ou d’un studio. Le style Ghibli, par exemple, est immédiatement reconnaissable : couleurs douces, animation fluide, visages expressifs, atmosphères oniriques. Ce style transmet une émotion, une philosophie, une esthétique.

Cependant, un style n’est pas une œuvre en soi. C’est une manière d’exprimer *visuellement parlant* des idées. Et si l’on commence à protéger juridiquement les styles, on entre dans un terrain glissant : peut-on breveter une manière de dessiner ? une palette de couleurs ? une texture particulière ?

Il existe une infinité d’univers possibles, mais un nombre fini de styles visuels. Ce n’est pas parce qu’on protège un univers qu’on bloque la créativité. Mais si on protège le style, alors on ferme les portes à des milliers de créateurs indépendants qui voudraient dessiner, raconter, transmettre… sans être accusés de plagiat.

3. Le danger d’une industrialisation du style

Si les styles visuels devenaient protégés, on pourrait rapidement voir émerger une dérive : des grandes entreprises pourraient déposer des styles graphiques, comme on dépose des brevets ou que l’on protège un template de Site Internet. Ce serait un monde où, pour dessiner des personnages avec de grands yeux brillants et un nez minimaliste, il faudrait payer une licence, ou prendre le risque d’un procès.

Autrement dit, la forme deviendrait un territoire privatisé. Et cela rendrait inaccessible la production d’œuvres par des indépendants, des artistes marginaux ou simplement des passionnés.

Il y aurait un déséquilibre entre le fond (univers, narration, personnages) et la forme (style, technique graphique). Or, pour beaucoup d’auteurs, c’est précisément la cohérence entre style et fond qui donne vie à une œuvre. Interdire certains styles, c’est contraindre des créateurs à choisir une forme qui ne correspond pas à leur univers, ou à repartir de zéro s’ils sont accusés de plagiat.

4. Une voie de compromis : vers une licence éthique des styles ?

Il serait tentant de dire : « laissons les choses telles qu’elles sont ». Le droit actuel protège ce qui mérite de l’être, sans empêcher l’inspiration visuelle. Mais cette solution ne satisfait pas tous les créateurs, notamment ceux qui voient leur style utilisé à des fins commerciales sans qu’ils n’aient leur mot à dire.

Dès lors, une voie intermédiaire pourrait être envisagée :

Des licences d’usage de style visuel, à prix modeste, accessibles à tous,

Sans validation morale ou artistique de l’œuvre créée (autrement dit, l’auteur du style ne pourrait pas censurer une œuvre sous prétexte qu’elle "ne lui ressemble pas"),

Sans limitation de durée, ni révocation possible par l’auteur du style ou la plateforme d’IA

Mais avec une mention explicite du style inspirant, pour garantir une forme de reconnaissance et de visibilité.

Cela permettrait de respecter le travail des artistes, sans pour autant bloquer la créativité. Ce système devrait être transnational, open-source ou mutualisé, à l’image des Creative Commons, afin de garantir une égalité d’accès.

Il serait possible de s’inspirer des grandes plateformes de streaming en ligne avec les principes de licences globales, dans l’idée que les auteurs de ces styles visuels, entreraient sous contrat avec la plateforme d’IA pour autoriser que leur style soit utilisé par des utilisateurs monnayant rémunération. Les auteurs eux, auraient dans le prix de leur licence d’utilisation de l’IA, inclut les droits d’utilisations non exclusifs des styles qui leur plait pour leur créations artistiques.

Conclusion

La question de la protection du style visuel est un défi contemporain, à l’intersection du droit, de la technologie et de la culture. À trop vouloir protéger la forme, on pourrait tuer le fond. À trop laisser faire, on risque de voir les créateurs dépouillés de leur empreinte.

La réponse n’est pas simple. Mais une chose est certaine : la créativité humaine, et sa version assistée par l’IA, doit rester libre, accessible, fluide. La loi doit protéger, et non contraindre. Elle doit encadrer sans figer, et surtout, encourager.

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